Une visite… normale ?
Concédant tacitement l’échec des tentatives de relance, “par le haut”, des relations entre les deux pays, le Président
algérien semble, dans l’“entretien” accordé à l’AFP, s’être converti au pragmatisme préconisé par la partie française et franchement formulé par son ministre des Affaires étrangères. Près d’une
décennie après “la Déclaration d’Alger” de mars 2003, et la promesse de “traité d’amitié”, c’est Bouteflika lui-même qui admet que “nous devons tirer les enseignements de notre expérience passée
pour corriger (…) un partenariat toujours perfectible”. “Toujours perfectible”, en effet, ce d’autant plus que celui-ci se résume à une somme d’actes commerciaux relevant de la décision des
opérateurs, sans rapport avec quelque cadre bilatéral particulier et contraints par un cadre juridique dissuasif.
Nous sommes loin des envolées lyriques qui précédaient et accompagnaient les visites renouvelées de Chirac entre 2001 et 2004, et/ou les discours velléitaires du début de mandat de Sarkozy ! Ici,
le réalisme des propos de Bouteflika tranche avec la surenchère sur le statut des relations bilatérales. Au demeurant, cette euphorie se trouvait régulièrement refroidie, d’abord par les
controverses sur la loi prônant l’enseignement des bienfaits de la colonisation et ensuite par les voix confuses demandant la repentance, une demande jamais explicitement formulée par l’État
algérien, mais occasionnellement relancée par divers milieux politiciens, à des fins de politique intérieure, le plus souvent.
Depuis que Sarkozy a nettement exprimé une fin de non-recevoir à cette revendication, les relations algéro-françaises se sont rabattues sur le domaine moins miné des contrats commerciaux. Et,
industriels, mais sans résultats notables, comme en témoignent les péripéties du projet d’usine de montage Renault, véritable monstre du Loch Ness de la coopération bilatérale.
L’incapacité des deux pays à donner quelque contenu commun au Cinquantenaire de l’Indépendance de l’Algérie illustre à elle seule l’état de panne absolue de leurs relations et de l’impossibilité
de concevoir la moindre initiative de dépassement des contentieux coloniaux. Même si les deux gouvernements sont allés jusqu’à nommer les “Monsieur Cinquantenaire”, ils durent recourir au silence
et au propos évasif pour étouffer les débats et polémiques qu’une telle commémoration n’aurait pas manqué de susciter.
Il faut croire que les deux pays ne sont pas politiquement prêts pour concevoir un niveau d’organisation des relations bilatérales qui transcenderait le passif colonial. Avec Hollande, président
“normal”, le discours sur l’avenir des relations ne pouvait qu’être révisé à la baisse. Pour cette raison, et parce qu’il est parvenu au constat que la démarche d’une coopération inspirée d’en
haut ne pourrait être opérante en l’état actuel des contextes politiques respectifs, le Président algérien y a renoncé. “Les formes du partenariat importent finalement peu”, vient-il de
convenir.
Au début de son règne, Bouteflika n’avait pas vu qu’il restait “beaucoup de pesanteurs” à transcender ; après trois mandats, il constate qu’elles sont encore là. Alors, faute de grande ambition
pour les relations algéro françaises, place à des rapports progressifs. Peut-être avancerons-nous mieux en commençant par le bas ?
Source Liberté Mustapha Hammouche
Le Pèlerin