De hautes personnalités seraient impliquées
L’affaire Sonatrach, dont l’instruction a été achevée par le tribunal de Sidi M’hamed près
la cour d’Alger il y a près d’un mois et qui est actuellement au niveau de la Cour suprême, «n’est en réalité que l’arbre qui cache la forêt».
C’est ainsi qu’une source judiciaire a qualifié le dossier Sonatrach 2 évoqué par le
procureur général près la cour d’Alger, dans un communiqué diffusé tard dans la journée de dimanche dernier. Celui-ci informait l’opinion publique «par le biais de réquisitions supplétives» avoir
requis le juge d’instruction de «l’élargissement du champ des investigations aux nouveaux faits rapportés» par la presse.
En fait, nos interlocuteurs expliquent qu’en octobre 2012, une nouvelle information
judiciaire avait été ouverte au niveau du pôle pénal spécialisé près le tribunal de Sidi M’hamed, à la suite des révélations contenues dans les réponses des commissions rogatoires délivrées par
le parquet d’Alger dans le cadre de la première affaire Sonatrach. «La commission rogatoire a mis en relief de nouvelles révélations sur des personnalités liées à Sonatrach. Parmi elles Chakib
Khelil, Rédha Hamch (son homme de confiance et ex-directeur de cabinet Mohamed Méziane, PDG de Sonatrach), ainsi que Chawki Rahal (ancien vice-président chargé de la commercialisation). Un
nouveau juge a été chargé de mener l’instruction.
L’enquête ouverte par le parquet de Milan a concerné le dossier Saipem, mais ses résultats
ont touché plusieurs personnes parmi lesquelles certaines ont été citées dans l’enquête du parquet de Milan, en Italie. Au départ, à la fin de l’année écoulée, ce dernier s’était intéressé à des
personnalités italiennes, notamment des cadres dirigeants de Saipem et de la société mère ENI, soupçonnés de corruption. Mais les investigations ont fait état de liens avérés avec des
personnalités algériennes qui étaient en poste au moment des faits. Il est donc tout à fait normal que le parquet d’Alger requière l’élargissement de la nouvelle enquête à ces personnes
(personnalités)», révèle notre source. Selon elle, «une commission rogatoire va être incessamment délivrée par le juge d’instruction en charge de la nouvelle affaire au parquet de Milan».
Une convention d’entraide judiciaire algéro-italienne existe depuis longtemps et la coopération entre les deux justices «a de tout temps été fructueuse», souligne notre source. «Le juge du pôle
judiciaire pénal de Sidi M’hamed et le parquet de Milan, en Italie, vont travailler en concertation pour élucider toutes ces transactions douteuses liées à la corruption, au trafic d’influence et
au blanchiment», déclare notre interlocuteur.
Sur le lien que pourrait avoir cette affaire avec celle dont l’instruction a été clôturée
il y a près d’un mois, notre source précise : «L’instruction de ce dossier a été clôturée et l’affaire est actuellement au niveau de la Cour suprême en raison des pourvois en cassation
introduits par certains prévenus, dont Saipem en tant que personne morale, contre l’arrêt de la chambre d’accusation qui a criminalisé les faits. Elle ne peut donc revenir en arrière. C’est
plutôt le nouveau dossier ouvert au niveau du pôle pénal spécialisé de Sidi M’hamed qui a pris les devants en octobre 2012, en ouvrant une information judiciaire sur la base de révélations sur
des présumés faits de corruption contenus dans les réponses des commissions rogatoires. Cette nouvelle instruction judiciaire va donc être élargie aux autres faits mis en lumière par l’enquête du
parquet de Milan. Il est donc certain que les résultats de la commission rogatoire que le juge devra délivrer incessamment au juge milanais feront l’effet d’un séisme», conclut notre
interlocuteur.
Un député veut avoir des éclaircissements
Le scandale des pots-de-vin versés par les dirigeants d’entreprises italiennes à des
responsables algériens suscite les interrogations de députés algériens. Le député du Front de la justice et du développement, Lakhdar Ben Khelaf, a ainsi adressé une question au ministre algérien
de l’Energie et des Mines pour connaître les mesures prises par son département contre les accusés concernés par ce dossier et si la justice algérienne prendra les dispositions qu’elle juge
nécessaires contre ceux dont la responsabilité a été prouvée.
«La justice italienne a entamé une enquête dans les affaires des responsables des
entreprises italiennes Saipem et ENI qui ont versé des pots-de-vin pour décrocher des marchés d’hydrocarbures estimés à 11,3 milliards de dollars, souligne Lakhdar Ben Khelaf. Toutes ces
informations que la justice italienne traite sont considérées comme un complot contre l’Algérie dans la mesure où les personnes censées préserver le pain des Algériens ont failli à leur mission
en pillant les richesses du pays que personne ne voit, sauf sous forme de chiffres représentant les projets ratés ou les montants de pots-de-vin qui alimentent les pages de journaux et les
discussions outre-Méditerranée.»
Sachant, dit-il, que «les responsables des entreprises italiennes accusés de versement aux
responsables algériens de pots-de-vin estimés à 256 millions de dollars ont été appelés à démissionner pour que cela n’ait pas d’influence sur le cours de l’enquête, nous voulons savoir quelles
mesures a prises le ministère de l’Energie et des Mines contre les accusés concernés par ce dossier. Est-ce que la justice algérienne a été instruite pour diligenter une enquête et prendre les
dispositions qu’elle juge nécessaires contre ceux dont la responsabilité a été prouvée pour que ce genre de pratiques ne ce reproduisent plus en Algérie, car elles menacent la source de revenus
de tous les Algériens ?»
Amel B.
Les explications des juristes
Après investigation, le juge auditionnera les concernés
Dans un communiqué rendu public dimanche, le parquet général près la cour d’Alger a décidé
d’ouvrir une information judiciaire à l’encontre de personnalités algériennes. Via ce communiqué, le parquet général informe l’opinion publique que les faits révélés par certains quotidiens
nationaux et étrangers sont en relation avec l’information judiciaire déjà ouverte auprès du pôle spécialisé de Sidi M’hamed dans le cadre de l’affaire dite Sonatrach 2.
Le parquet de la République près cette même juridiction a, le 10 février 2013, par le
biais de réquisitions supplétives, requis le juge d’instruction en charge du dossier de l’élargissement du champ des investigations à ces faits nouveaux.
Pour certains hommes de loi, le communiqué du parquet général reste incomplet car il ne
donne aucune indication ou éclaircissement sur le contenu de l’information judiciaire ni sur l’information judiciaire initiale. «Le parquet évoque des réquisitions supplétives, c’est-à-dire des
éléments additifs qui supposent l’ouverture d’une information judiciaire. A travers ces réquisitions, nous devinons de qui il s’agit. Toutefois, nous ignorons tout de l’information initiale ;
quelles sont les personnes concernées et qui est en charge du dossier ?», explique maître K. B.
Plus explicite, maître Noureddine Benissad pense que, dans cette affaire, le juge
d’instruction est tenu de vérifier les informations données par aussi bien la presse italienne qu’algérienne et d’auditionner par la suite les personnes citées avant d’aller vers un procès. Cet
avocat est persuadé que les autorités judiciaires italiennes vont contribuer dans cette affaire en livrant aux Algériens les informations en leur possession : «Pour l’heure, nous ignorons
sur quoi portent les réquisitions supplétives du parquet général.
A mon sens, il ne s’agit pas d’une deuxième affaire, mais plutôt de l’élargissement des
investigations (c’est-à-dire élargir l’information judiciaire à d’autres personnes morales ou physiques citées par la presse, d’où l’expression réquisitions supplétives), sur un dossier déjà
ouvert au niveau des juges du pôle spécialisé du tribunal de Sidi M’hamed.» Me Benissad fait remarquer qu’il s’agit là d’une enquête que va mener le juge d’instruction, mais cadrée par les
réquisitions supplétives.
Cependant, les juristes, en se référant au code de procédure pénale, rappellent que
l’instruction est censée être secrète et que les actes du juge ne doivent pas être étalés sur la place publique… A la question de savoir si le juge ira jusqu’au bout, c’est-à-dire procéder à la
convocation des personnes citées par les médias, Me Benissad est affirmatif : «Le juge d’instruction va au préalable vérifier les faits nouveaux rapportés par la presse.
Par la suite, il peut auditionner toutes les personnes citées dans les médias et d’autres
personnes qui peuvent apparaître à l’occasion de cette instruction. Dans le cas contraire, ce sera l’impartialité de la justice qui accusera un coup.» Toutefois, Me Benissad a précisé qu’en
vertu de la Constitution algérienne et des conventions internationales relatives aux droits de l’homme, tout accusé est présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable…
Nabila A.
Source El Watan Salima Tlemçani
Le Pèlerin