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Algérie - Budget de l'État et perspectives de la relance économique

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Comment sortir de la dangereuse logique de la rente ?

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Le nouveau gouvernement et la fraîchement élue Assemblée populaire nationale auront, dans les prochaines jours, à plancher sur la loi de finances 2013 dans une conjoncture qui n'arrive pas encore à bénéficier d'une détente à l'échelle internationale depuis que la crise de 2008 a tendu ses tentacules sur le continent européen.

Au début de l'été 2012, la baisse des prix du pétrole -le baril s'échangeait pendant quelques semaines à une moyenne de 85 à 90 dollars- a poussé les responsables algériens à des réactions surmédiatisées par la presse. Ce furent les projets du quinquennat qui allaient subir des "coupes réglées'' et, pourquoi pas, d'autres rubriques du budget de l'État. Presque deux mois de silence        -ayant permis de suivre les évolutions du graphe du marché des hydrocarbures et de mieux réfléchir à l'éventuelle ''riposte'' des autorités algériennes- ont coïncidé avec le grand silence politique qui a fait fleurir rumeurs et spéculations en plein Ramadhan et à la veille de la rentrée sociale. Le rebond a été marqué par l'intervention de Karim Djoudi, ministre des Finances, qui, en préparant les grands axes du budget 2013 à soumettre à la nouvelle Assemblée nationale, parlera d'un budget ''prudent'', mais non d'austérité. Le jeu de mots n'a pas échappé à la presse et aux faiseurs d'opinion. Les manchettes rivalisaient de guillemets et de synonymes pour espérer décrypter, et aussi mieux transmettre, un message dont la vertu principale n'était pas la clarté. Et pour cause ; la question est d'une grande sensibilité dans une situation où les dépenses de l'État ont connu des hausses faramineuses au cours des deux dernières années.

Outre les grands investissements publics destinés à la réalisation et à la réhabilitation des infrastructures et équipements, dont les montants ont été déjà fixés au début 2010 dans le cadre du plan quinquennal, le reste des dépenses -classées essentiellement dans la forte controversée rubrique des transferts sociaux- a été mis en branle à partir du printemps 2011, bien avant même que la loi de finances complémentaire de juillet ne vienne l'avaliser. Ce fut, comme certains commentateurs n'ont pas hésité à le qualifier, le budget du ''Printemps arabe'' qui a vu les soutiens des prix des produits jugés ''essentiels'' ou de première nécessité revenir avec grand bruit, et surtout avec de grosses subventions, rappelant une période que l'on croyait morte et enterrée, sous l'ère Chadli. À l'époque, l'État achetait cher -via ses entreprises d'importation ayant l'exclusivité de cette activité- et revendait à bon marché, voire à vil prix. Ce qui a conduit l'État algérien à soumettre à une concurrence déloyale les producteurs nationaux, et aussi permis toutes sortes de spéculations, de sorties de nos produits vers le Maroc, le Mali et le Niger. Le résultat final a été la formation d'une classe d'affairistes qui allaient dérouler le tapis à ceux qui s'appelleront par la suite les ''trabendistes''.

La grande masse de transferts sociaux, mobilisée depuis 2011 et dépassant 16 milliards de dollars, comporte bien sûr des mesures positives, celles, par exemples, destinées à mieux encourager certains investissements (par des dégrèvements fiscaux ou parafiscaux), ou à aider des catégories particulières de la population (bonification des crédits au logement). Cependant, comme il y a vingt ans, le soutien des prix a son amer revers de médaille, à commencer par le gaspillage. Les autorités sont, en réalité, bien instruites de ces vérités et de ces expériences qui nous ont valu bien des déboires. Mais, elles ont été prises dans le piège de la démagogie et du populisme. Dans le cas où elles ne se seraient pas piégées elles-mêmes. De même, les revalorisations salariales destinées à plusieurs catégories de fonctionnaires, ne relèvent pas d'une autre logique que celle qui consiste à jouer l'apaisement face à la montée des ''périls'' venant d'un front social bouillonnant en permanence. Si, dans l'absolu, ce front évolue sur un terrain de légitimité incontestée face à la dégradation continuelle du pouvoir d'achat, la réponse qui lui est apportée dans la précipitation et l'affolement, est celle dont on peut dire qu'elle conduit ses bénéficiaires à se mordre la queue.

Quadrature du cercle

Quelques mois après le versement des rappels -qui ont pu atteindre des centaines de milliers de dinars pour chaque fonctionnaire et qui ont même créé des crises de liquidité dans les pos-       tes-, les concernés reviennent à la charge pour appeler à la révision des certains points du statut particulier. Car, au bout d'un certain temps, l'illusion de richesse prend fin dans le mouvement inflationniste que l'on vient de ranimer et auquel on risque d'accorder longue vie. Le cercle vicieux se dessine et se referme sur l'ensemble des acteurs. Acteurs volontaires ou involontaires qui ont été conduits par un climat ''prérévolutionnaire'',  à s'écarter allègrement des règles élémentaires de la science économique.

L'effet domino a fini par faire jouer sa logique de façon à mettre en situation d'effervescence l'ensemble des salariés de l'État. Malheureusement, dans cette interminable surenchère, il se peut qu'il y ait des catégories réellement lésées ou laissées pour compte -et il en existe- dont la voix contestataire est noyée dans cette cacophonie générale au point de ravaler ses revendications ou de les renvoyer sine die.

Les éventuelles restrictions devant affecter la loi de finances 2013 ne toucheront pas la masse salariale. On tient à le dire et à le faire rapporter par les médias. On ne voudrait pas d'un gouvernement ''impopulaire''! Il y a quelques mois, le ministre des Finances assurait également que les projets inscrits dans le cadre du plan quinquennal ne seraient pas concernés par une éventuelle coupe budgétaire. Si restrictions il devait y avoir, elles touche-         raient quelles rubriques alors? Globalement, il n'en reste que celle relative au train de vie de l'État (budget de fonctionnement hors salaires), c'est-à-dire, le parc roulant, la rénovation des structures de l'administration, les bons d'essence, le papier, l'électricité, les moyens de communication (téléphone, Internet), le mobilier de bureau, le matériel informatique,…etc.

Déjà que les prestations de l'administration sont connues pour leur médiocrité, dont une partie des justifications évoquées est souvent liée au manque de moyens, l'on a du mal à s'imaginer les prestations que l'on fournira avec des moyens encore plus réduits, d'autant plus que l'administration publique tarde à bénéficier des véritables réformes qui l'extirperaient de son état valétudinaire. Saignée à blanc par le départ de ses meilleurs éléments formés à la bonne école -saignée à laquelle a contribué…l'État lui-même via les incitations au départ à la retraite anticipée pour des quinquagénaires à l'expérience florissante-, cette administration prend paradoxalement en charge (par le moyen des procédures de passation de marchés, du suivi et du contrôle), et cela depuis une douzaine d'années, l'exécution des mégaprojets inscrits dans le cadre des investissements publics (le dernier plan 2010-2014) est doté d'une enveloppe de 286 milliards de dollars. Il est évident que cette administration ne peut pas faire de miracles. Les projets pour lesquels les ressources humaines sont défaillantes ou lacunaires et les projets qui sont lourdement affectés par des problèmes liés à l'intendance et à la logistique nécessaires au suivi sur le terrain sont imparablement soumis à tous les aléas en matière de qualité, de délais et, parfois même, de faisabilité.

En tout cas, les dépenses d'équipement -que la loi de finances destine aux investissements publics- et les dépenses de fonctionnement (salaires, mobilier de bureau, parc auto, carburant,…) sont étroitement liées. De ces deux types de budget dépendent l'efficacité de l'intervention de l'État ainsi que la pérennité et la fonctionnalité des ouvrages et des infrastructures installés.

Miroirs aux alouettes ?

Les graves interrogations exprimées, d'une façon discrète ou franche, à propos de l'économie nationale et de ses segments relatifs au budget de l'État, aux recettes fiscales et à la politique d'investissement, nous mettent en pleine quadrature du cercle par la faute d'une vision de l'économie complètement engluée dans des considérations politiciennes. Une vision embrouillée, parfois savamment entretenue, par une mentalité rentière qui a créé ses clientèles. Ces dernières sont de deux catégories : celles actives, mafieuses, politiquement dangereuses, placées dans la sphère de l'importation et du grand trabendo ; celles passives, nourries par la démagogie d'un système contraint de se ménager une voie de salut par la destination d'une partie de la rente à la formation d'une hypothétique, et même improbable, classe moyenne. C'est, comme la nommera pertinemment un homme politique de l'opposition au lendemain de l'instauration du pluralisme au début des années 1990, la logique de la "non économie'' qui a imposé sa loi.

En annonçant vouloir relancer l'économie du pays, que comptera faire le nouveau Premier ministre, Abdelmalek Sellal ? L'on sait déjà que, pour toutes les raisons évoquées plus haut, il hérite d'un lourd déficit budgétaire de plus de 50 milliards de dollars au titre de l'année budgétaire 2012. Au rythme actuel des dépenses, et dans un contexte où les promesses et les projections d'investissements hors hydrocarbures prennent l'allure de l'Arlésienne, le stock de sécurité sur lequel s'appuie le gouvernement, appelé Fonds de régulation des recettes, risque de fondre comme neige à la moindre secousse durable des marchés pétroliers.

La question fondamentale qui se pose est de savoir que fera Abdelmalek Sellal -et de quelle marge de manœuvre il dispose- pour casser cette infernale logique qui prend tout le monde en otage. Lors de ses premières déclarations, il a tenu à réitérer cette vérité que beaucoup d'acteurs politiques et d'experts en économie n'ont pas cessé de dire : l'Algérie a les moyens de se relever. La référence est, ici, souvent faite aux ressources financières générées par l'exportation des hydrocarbures. Et si les ''moyens de se relever'' ne dépendaient pas exclusivement des finances ? Et c'est le cas. Parions que la nuance n'échappe pas à une personnalité de l'envergure de M.Sellal, choisi pour ses compétences managériales et son entregent. Il sait, mieux que beaucoup d'autres, que les défis se posent en termes de révolution des mentalités et de la culture, comme ils se posent aussi en termes d'aggiornamento politique que l'Algérie mérite bien cinquante ans après la libération du pays. Sans cette vision innovante, devant aboutir à un renouvellement des méthodes de travail, à une meilleure redistribution du revenu national et à l' 'inoculation'' de l'espoir dans le cœur de la jeunesse algérienne, les seuls instruments techniques (tels que les textes de lois portant sur la lutte contre la corruption, l'extension des missions de l'Inspection générale des finances et de la Cour des comptes, la criminalisation  de l'émigration  clandestine [harga],…) risqueraient de devenir de simples miroirs aux alouettes.

Source Les Débats Saâd Taferka

Le Pèlerin


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