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Algérie - Lutte contre la corruption pour ne pas changer

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Quels moyens pour la moralisation de la vie publique ?

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Parler de corruption dans un pays comme l'Algérie – où le lexique politique, la littérature journalistique et les accusations à tout va foisonnent de termes et de vocables qui rappellent cette triste réalité ancrée dans le vécu social – présenterait deux risques à l'opposé l'un de l'autre : banaliser davantage le phénomène ou bien, comme le dit si bien l'expression, c'est «parler de la corde dans la maison d'un pendu».

Dans un contexte aussi complexe – où le tabou, l'omerta et les griefs infondés s'entremêlent, quel sera l'apport de la conférence sur la lutte contre la corruption organisée hier par le ministère de la Justice ? La Journée mondiale de la lutte contre la corruption, comme toutes autres journées célébrant d'autres thèmes, ne peut guère servir de tremplin suffisant pour enclencher ou renforcer la lutte contre un fléau sournois et ravageur qui a pris racine dans les structures de l'administration et de l'Etat depuis des décennies. Il revient à cette conférence qui regroupe un millier de participants de travailler à «sensibiliser sur la corruption et ses répercussions socio-économiques et la nécessité de conjuguer les efforts pour faire face à ce phénomène».

Face à l'ampleur du phénomène dans notre pays, tel qu'il est rapporté par la presse et tel qu'il se décline dans certaines affaires traitées par la justice, les autorités politiques du pays ont essayé de produire une législation qui prenne en charge la prévention du fléau de la corruption et les moyens de lutte pour son éradication. Ainsi, en 2006, une loi a été promulguée dans ce sens, dans le prolongement de la convention des Nations unies contre la corruption adoptée en 2003. Le risque de banalisation du fléau de la corruption a été souligné mercredi dernier par le directeur des affaires pénales et des grâces au ministère de la Justice, Mokhtar Lakhdari, en déclarant que «la société tolère la corruption dans une large mesure en ce sens que nombre de pratiques liées à ce fléau sont considérées comme normales». Il ajoute que «la société ne rejette pas des pratiques se rapportant à la corruption les considérant comme normales». Il a ainsi donné l'exemple de cadeaux offerts à des responsables de l'administration en vue d'obtenir certains avantages. C'est là un exemple qui sous-estime à l'extrême le fléau dont se plaint toute la société et qui risque même d'en faire une caricature.

Le délicat travail de la presse

En dehors de certaines rares velléités mort-nées enregistrées au sein de quelques institutions officielles, la presque totalité du ressentiment et de la colère populaires générés par le fléau de la corruption, particulièrement dans les instances de l'administration publique, est «pris en charge» par le travail de la presse privée. C'est le canal privilégié par lequel transitent des informations, mais aussi parfois de simples rumeurs, en rapport avec des actes ou des affaires de corruption qui ont lieu aussi bien dans les démembrements administratifs de l'Etat que dans des entreprises publiques. Pour certains auteurs de «tuyaux» refilés aux tabloïds dits indépendants, la presse serait capable de crédibiliser des informations et, parfois, de simples cancans sortis par d'impénétrables interstices de l'administration et des entreprises publiques. Même si ce n'est pas toujours le cas, un journal peut quand même servir de relais que des clans et de vieilles coteries saisiront au vol pour prendre leur revanche sur les parties adverses.

C'est apparemment un combat sans merci. Cependant, la recherche de la vérité et le désir d'asseoir des organes et des méthodes de contrôle n'y gagnent rien. Il y a même un risque de voir la multiplication des révélations et les tentatives d'interférences médiatiques sur le cours de l'instruction travailler à la banalisation de ce genre d'information. Un traitement à la légère des informations qui circulent sur les affaires de malversations et de concussions peut avoir de graves retombées du moment où il peut bien, par erreur ou par malveillance, toucher l'honneur des personnes au-dessus de tout soupçon et ternir leur image. Car, le climat de suspicion dans lequel travaillent et évoluent les cadres et agents de l'État a trouvé dans la rue un prolongement dangereux qui fait que n'importe qui peut accuser ou incriminer ceux qui sont en contact direct avec le mouvement des fonds publics de malversation, de corruption ou de mauvaise gestion. Des dizaines d'affaires de diffamation sont pendantes devant les tribunaux en raison de la légèreté avec laquelle ce genre d'accusation est proféré, y compris par le moyen de lettres anonymes. Mais c'est l'atmosphère générale du pays – basée sur des constats d'enrichissement injustifié, de signes extérieurs de richesse, d'affaires de détournement d'argent ou de corruption ayant pu être élucidées par la justice,… – qui installe cette ambiance de défiance, de suspicion et de psychose. Dans la mêlée des informations mises à la disposition du lecteur, il peut y avoir des kyrielles de supputations et certainement beaucoup de non-dits.

L'on sait que le mensonge par omission est aussi blâmable qu'une fausse information. L'impunité dont peut bénéficier la publication de fausses informations en relation avec des affaires de corruption est susceptible de charrier une autre tentation, sans doute intéressée, celle de faire un travail de suggestion pour désigner les coupables avant que la justice n'engage la procédure de saisine. La tendance pour un journal à faire dans le scoop et les éventuelles erreurs d'information issues d'un travail hâtif ou mal conduit ne devraient cependant pas signifier que les médias soient appelés à se taire devant des dérives portant sur la gestion de l'argent du contribuable. Le professionnalisme et la sérénité pourront bien rendre des services à la collectivité dans ce genre de situation.

Dans le processus de la démocratisation de la société et des institutions, la lutte contre la corruption et l'effort de contrôle régulier de l'utilisation des deniers publics constituent incontestablement des éléments importants qui concourent à la moralisation de la vie publique et à l'établissement d'une relation de confiance entre gouvernés et gouvernants. C'est une entreprise considérée comme la pièce maîtresse de tout redressement national.

Si ce volet de la vie publique a pris une dimension aussi importante dans les médias et dans certaines réactions de la société civile, c'est que, bien auparavant, l'opinion publique nationale et des organisations internationales ont eu à constater et à déplorer un grave phénomène qui a pris racine dans les structures et les institutions du pays ; une dérive dont la société tout entière continue de souffrir et dont les conséquences n'ont jamais fait l'objet d'un bilan moral, politique ou financier.

Quid de la perspective démocratique ?

Car, outre les surcoûts économiques causés par des travaux mal faits ou non finis ou par un mauvais choix de l'entreprise de réalisation – laquelle a payé des pots-de-vin pour prendre un marché public en violation de la réglementation –, les actes de corruption nous renvoient à l'étymologie même du mot qui signifie «pourriture et pourrissement» et que le mot arabe «fassad» rend parfaitement. Cela signifie un pourrissement de la société et des valeurs morales qui la sous-tendent. Dans ce genre de situation, la perspective démocratique tient plus da la chimère que d'un projet à la portée de la société. Cela se constate à tous les niveaux de l'organisation sociale. Au sein de l'administration et des entreprises publiques, les valeurs professionnelles et la gestion des ressources humaines ne sont guère un parangon de rationalité et de transparence. Les luttes pour les postes de responsabilité s'aiguisent presque de façon inversement proportionnelle au poids des curriculums vitae et compétences professionnelles. Même dans la réalité la plus banale de la vie domestique, à échelle d'un village ou d'une commune, le fléau de la corruption a étendu ses tentacules et ses ventouses. Des actes de corruption ont été rapportés par des citoyens qui ont eu à subir le diktat d'un agent de la circulation ou d'un employé communal. N'a-t-on pas rapporté des cas où des pièces d'état civil ont été délivrées contre payement d'une somme d'argent ? Pour l'établissement de certificats négatifs dans certaines conservations foncières, des agents vous dirigent vers un kiosque pour y acquérir des photocopies d'imprimés qui y sont disponibles par milliers de copies. Ces petits larcins – sans trop s'arrêter sur les faux et usages de faux qui entraînent de mirobolantes transactions (faux visas, permis, attestation de moudjahid,…) – nous donnent une idée sur ce que peuvent charrier les «grands services» sollicités de nos administrations ou banques (marchés publics, crédits bancaires, …) comme dérives de concussion et de corruption. Les dernières mesures sociales et économiques prises par le président de la République en février 2011 en faveur des jeunes chômeurs – multiplication des microcrédits pour des projets créateurs d'emploi – ont généré, sur fond de bureaucratie et de diverses obstructions, des centaines de cas de corruption signalés par les jeunes candidats au crédit.

La lutte contre la corruption est un grand dessein qui ne peut trouver ses espaces de réalisation que dans le cadre d'une volonté politique ferme et résolue tendant à éliminer les facteurs d'obstruction et de bureaucratie qui sustentent gravement de telles dérives. Plus que simples mesures contenues dans des imprimés à remplir – à m'image de cet imprimé appelé «déclaration de probité» instauré par le nouveau code des marchés publics et dans lequel le candidat à la commande publique déclare… ne pas se livrer à des actes de corruption, la lutte contre la corruption est sans doute l'image la plus lumineuse du processus démocratique arrivé à son stade de maturité.

Les dernières réformes politiques du président de la Républiques soumises à l'examen de l'APN pourront-elles nous conduire vers ce bel idéal qui nous fera oublier les corrupteurs et les corrompus ?

Source Les Débats Saâd Taferka

Le Pèlerin

 


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