Algérie - Quand l’Algérien se veut
Valentin...
Rebouster ses sentiments amoureux, dans un environnement
miné par les haines et les jalousies, peut passer à l'occasion par des séances de rattrapage que le téléphage de 7 à 77 ans a au bout de sa zappette ... Le la aura été donné, cette semaine, par
un Méditerranéen pur jus pied-noir de Tunisie, Serge Moati. Son «Cinémas» sur F5 aura collé à l’actualité de la Saint Valentin et histoire de donner du fond à une fête qui remonte au XIVe siècle,
c’est tout un débat sur la bataille sémantique entre comédie sentimentale et comédie romantique qui aura réuni tout un panel d’aspects culturels.
Sur ce terrain ô combien glissant – le Pakistan et l’Arabie saoudite
ont connu émeutes et baston policière à l’occasion – la belle Isabelle Giordano (ex-Canal +), en critique cinéma avertie, aura fait la paire avec une Nathalie Baye tout aussi romantique à ce
sujet. Le sentiment amoureux, la noblesse de son mystère, la nécessité de sa pureté font que les histoires d’amour ne doivent pas finir mal, en général... Du mélo à la comédie dramatique ou
romantique, tous les ressentis ont été décryptés dans le souci de différencier Français, Anglais, Américains ou Italiens via le cinéma et son pendant, la télé. José Garcia, l’homme de télé
converti à la godriole des La Vérité, si je mens ! (versions 1 et 2, en attendant la 3), Le Couperet de Costa Gavras ou Le Mac, de sortie en salles actuellement, s’est même permis de brocarder la
Saint Valentin et ses dérives commerciales. Le Valentin, qui cherche à amadouer une Valentine n’aura pourtant pas dénaturé les propos réfléchis de Serge Moati et ceux d’Isabelle Giordano qui
tenait mordicus à sa référence : le film de Clint Eastwood : Sur la route de Madison ... Ce film, au programme télé du mardi sur France 3, nous aura scotché malgré la concurrence foot de la
soirée Champions league. Le Real de Madrid battu par l’Olympic Lyonnais ou Manchester battant l’AC Milan, c’était tentant mais un photographe de presse vivant le grand amour avec une fermière
dans l’Iowa américain des années 1965, c’était franchement mieux pour nos sentiments amoureux en berne. La simplicité, la réalité, la justesse et la sobriété de la mise en scène d’un coup de
foudre né d’un hasard de vie nous auront renvoyés vers ce qu’est l’Algérie d’aujourd’hui. Puritaine sans vraiment l’être, cette Algérie abrite des milliers de Valentin en quête de Valentine. Elle
ne le dit pas à travers ses films et sa télé (tout un système veille au grain) mais elle les vit en réalité et en catimini. De magnifiques Meryl Streep (pas des Bayouna ! ...) se lovent dans ses
contrées et de fringants Clint Eastwood se cachent, n’osant pas se montrer, ni déclarer la flamme amoureuse, la flamme censée illuminer toute vie morose ou monotone. Comme tous les grands films,
Sur la route de Madison aura rebousté les sensualités vraies, saines et sans faux-semblants. Ce mélodrame campagnard sans SMS ni téléphone portable aura intégré une autre dimension à la magie de
la noblesse des sentiments à transmettre aux générations futures. A partir d’une boîte aux lettres vieillies, à partir d’un testament ô combien immatériel, ce sont fille et fils d’une mère
réellement amoureuse qui accèderont à la bouleversante dimension de l’être fait pour aimer et être aimé. Après cela, comment ne pas reconnaître que notre mode de vie en Algérie, loin de se
préoccuper d’amour, façonne plutôt via sa télé dite nationale, des humeurs chagrines, moroses, querelleuses et sentimentalement frileuses. Pourtant, en se levant chaque matin, en méditant pendant
quatre à cinq minutes sur le fait que la vie est un mystère inouï et que l’existence de l’être humain est un miracle exceptionnel, chaque Algérien peut être un Valentin à la manière d’un saint
Augustin, éternel rayon de soleil culturel. Alors où même l’amour fraternel tend à ne plus exister dans la faculté potentielle de l’Algérien lambda, il serait bon de méditer Sur la route de
Madison. Cette route passe un peu partout dans ce monde accaparé par la poursuite d’un plus grand bien-être matériel. Elle passe par le Pakistan, l’Arabie saoudite, Paris, Londres, Alger ou
Tunis. Faudra juste penser à l’emprunter de temps à autre, et là, je profite du fait qu’un Algérien bien né du côté de Sétif un 19 février 1964 ait fêté seul, sans famille, ni amour fraternel,
son anniversaire entre les bras de la fière Albion, l’Angleterre, pour lui dire que tôt ou tard (n’en déplaise à l'exil forcé et imposé par un destin très algérien ...) qu’il pourra de nouveau
bientôt se blottir dans les bras de son frère aîné... C’est ça l’Algérien qui se veut Valentin ! Nabil, Lamri, Mourad, Sami ou Sidi Zekri, c’est ça l’Algérie ...
Source Le Soir d’Algérie Mourad Nini
Le Pèlerin